Une rocambolesque affaire de triche au Kenya a mis en lumière une réalité des échecs : la différence abyssale de niveau de jeu entre les sexes.
Pourquoi imaginer d'improbables dispositifs comme le fameux plug anal prêté par certains à l'Américain Hans Niemann quand celui-ci a été accusé de tricher par Magnus Carlsen, il y a quelques mois? Stanley Omondi, un étudiant de l'université de Nairobi, a, lui, trouvé un moyen bien moins sophistiqué (et intrusif) pour tricher aux échecs.
Du moins, c'est ce qu'il croyait.
En enfilant un niqab, ce voile intégral porté dans certaines traditions musulmanes, Omondi pensait pouvoir empocher, ni vu ni connu, la dotation du tournoi féminin du championnat d'échecs du Kenya (3400 euros pour la gagnante). Mais son entreprise a tourné court.
La scène est digne d'un mauvais sketch. Alerté par les résultats douteux et l'allure étrange d'une concurrente, l'arbitre en chef de la compétition prend l'initiative d'isoler la joueuse pour contrôler son identité. Et là, stupeur! La dénommée Awuor Millicent, jusqu'alors inconnue au bataillon, se révèle être un homme!
Muette mais pas discrète
Certains avaient bien remarqué que cette joueuse, sous son camouflage, n'avait pas prononcé un mot depuis le début du tournoi. D'autres avaient tiqué sur sa démarche étrange, sa largeur d'épaules et ses Vans pas franchement taille fillette...
Mais comment être sûr? Il a fallu deux victoires d'affilée contre Gloria Jumba, ancienne championne du Kenya, et Ampaira Shakira, la numéro 1 ougandaise, pour que l'organisation se décide à intervenir.
Car malgré un ELO estimé à 1500, soit le niveau d'un joueur moyen de club, avec lequel il n'avait aucune chance de briller dans le tournoi Open auquel participaient quelques Grands Maîtres, Omondi pouvait rivaliser avec les meilleures joueuses du tournoi féminin.
Pas très doué pour les déguisements, notre imposteur, à son corps défendant, a mis le doigt sur une incongruité. Dans une discipline où la dimension physique est pourtant limitée et ne met aux prises que des cerveaux, la différence de niveau de jeu entre hommes et femmes est abyssale. Judit Polgar avait certes été capable de battre Garry Kasparov en 2002 mais cette exception n'a pas eu de lendemain.
Ainsi, la Chinoise Yfan Hou, actuelle numéro 1 mondiale ne figurerait pas dans le top 100 masculin avec son ELO de 2628. Les explications seraient d'ordre culturel.
Les filles, moins nombreuses à pratiquer, seraient moins poussées vers la compétition que les garçons qui auraient par ailleurs plus d'affinités naturelles avec ce jeu, métaphore d'un affrontement guerrier.
Pour promouvoir les échecs auprès des filles, des tournois réservés, des classements et normes spécifiques ont été créés au XXe siècle. Sauf que ces initiatives louables ont eu pour effet d'éloigner les filles du plus haut niveau.
Elles sont aujourd'hui encouragées à disputer les compétitions mixtes pour corriger ce phénomène mais le chemin est long et en attendant, Stanley Omondi pourrait faire des émules.
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